C’est le naufrage le plus meurtrier depuis le début de l’année 2021, selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU. Avec un “scénario” devenu malheureusement classique. Mardi 19 janvier, au matin, une petite embarcation remplie à ras bord d’une cinquantaine de migrants, quitte le petit port de Zaouïa, entre la capitale libyenne Tripoli, et la frontière tunisienne. Direction les côtes italiennes. La mer est mauvaise, comme souvent en cette saison. Le moteur du navire rend l’âme, l’embarcation chavire. Le bilan est de 43 morts. Dix personnes ont quand même pu être secourues et ramenées sur les côtes libyennes, à Zouara, pas très loin de leur point de départ. Tous les passagers provenaient d’Afrique subsaharienne, là aussi c’est un classique dans les camps de migrants en Libye. Ils étaient originaires de Côte d’Ivoire, du Nigeria, du Ghana et de Gambie, 4 000 kilomètres plus au Sud. Ils avaient donc déjà effectué un interminable voyage à travers le Sahel et le désert libyen. Mercredi 20 janvier, quelques heures plus tard, une autre embarcation, elle aussi avec une cinquantaine de réfugiés à bord, a également failli faire naufrage dans la même zone. Elle a été interceptée par les garde-côtes libyens et reconduite en Libye.
Il est très difficile d’avoir une idée précise du nombre de naufrages qui se produisent dans la zone. Officiellement, selon les décomptes de l’association Missing Migrants, 1 360 personnes sont mortes en Méditerranée l’an dernier. Dont dont près de 1000, sur cette route dite de la “Méditerranée Centrale”, entre la Libye, la Tunisie, et l’Italie. Le nombre de réfugiés à avoir atteint les côtes européennes s’est élevé à environ 100 000 l’an dernier, le chiffre le plus bas depuis 2012. Lors de la crise des migrants en 2015, ce chiffre s’était élevé à 1 million de personnes, 10 fois plus. Les naufrages restent réguliers parce que les passeurs utilisent des embarcations de fortune, des canots pneumatiques à peine améliorés. Par exemple, fin décembre, 20 autres personnes sont mortes au large de la Tunisie. La plupart venaient de Guinée, en Afrique de l’Ouest. Mais pour ces drames identifiés, combien y-a-t-il de naufrages inconnus, qui passent totalement inaperçus ? Beaucoup sans doute.
La vérité c’est que personne ne sait d’autant qu’il n’y a quasiment plus de navires de secours des ONG. Autrement dit, il n’y a plus personne pour voir. Aujourd’hui, seul l’Ocean Viking, de l’association SOS Méditerranée patrouille à nouveau dans la zone depuis le 11 janvier. Les six autres navires affrétés par des ONG sont tous bloqués dans des ports. Le plus souvent confrontés à des contrôles administratifs tatillons. Et pendant ce temps, l’Union Européenne ne parvient toujours pas à s’entendre sur un pacte migratoire pour que les pays de premier accueil, l’Espagne, l’Italie, Malte, la Grèce, ne soient pas les seuls à porter le fardeau. La commission de Bruxelles a fait des propositions à l’automne, mais les négociations entre les pays membres pourraient prendre des mois, voire des années.