Investiture de Joe Biden : qu’attendent le Mexique, Cuba et le Canada du nouveau president des Etats-Unis ?

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Des Mexicains manifestent pour demander au nouveau président américain Joe Biden de régulariser les travailleurs agricoles méxicains, en décembre 2020, à Tijuana (Mexique).
Des Mexicains manifestent pour demander au nouveau president americain Joe Biden de regulariser les travailleurs agricoles mexicains, en decembre 2020, a Tijuana (Mexique). (GUILLERMO ARIAS / AFP)

Il y a quatre ans, lors de son discours d’investiture Donald Trump avait affirme les tendances isolationnistes de sa politique etrangere qu’il n’a eu de cesse de confirmer tout au long de son mandat. Joe Biden, qui devient, mercredi 20 janvier, le 46e president des Etats-Unis va-t-il changer radicalement de diplomatie ? Son arrivee a la maison blanche suscite espoirs et inquietudes chez les voisins mexicains, cubains et canadiens.

Le president mexicain ne veut surtout pas d’ingerence americaine

Le Mexique a ete le voisin maltraite par Donald Trump au cours de ces quatre annees. La liste des affronts est longue, a commencer par le mur sur la frontiere que le president americain avait promis de faire payer au voisin du sud et les menaces de taxes commerciales si le Mexique ne refoulait pas les caravanes de migrants. En general, les responsables politiques mexicains ont beaucoup plus d’affinites et sont plus enclins a cooperer avec des presidents democrates. Et pourtant, le president mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a envoye beaucoup de signaux montrant qu’il redoutait l’arrivee a la presidence de Joe Biden.

AMLO, comme le surnomment les Mexicains, avait forge une tres bonne relation avec Trump au cours de sa derniere annee a la Maison Blanche. Il semble meme entretenir une etrange loyaute envers le president americain sortant. Il lui a rendu visite a la Maison Blanche en pleine campagne presidentielle, sans meme daigner rencontrer Joe Biden. Il a tarde pres d’un mois et demi a reconnaitre la victoire de celui-ci sous pretexte qu’il ne voulait pas s’immiscer dans le processus electoral. Et lorsque le president mexicain a finalement appele le democrate pour le feliciter, il a commence par faire l’eloge de Trump, de l’excellente relation qu’ils entretenaient et du respect de la souverainete du Mexique. Car telle est la cle de leur entente : Lopez Obrador est un president nationaliste et obsede par l’idee de souverainete et il a beaucoup apprecie le fait que Trump ne s’immisce pas dans les affaires du Mexique.

Pour les memes raisons qui expliquent son estime pour Trump, AMLO manifeste une certaine apprehension envers Joe Biden. Sur les questions migratoires, le president mexicain et son nouvel homologue devraient s’entendre. Mais traditionnellement, les democrates ont une attitude plus interventionniste, ils denoncent les violations des droits de l’homme et s’immiscent dans les politiques energetiques, environnementales et veulent davantage de cooperation dans le domaine securitaire, dans la lutte contre le crime organise. Ce n’est pas du gout de Lopez Obrador, qui vient d’ailleurs de faire passer une loi express pour limiter la marge de manoeuvre des agents americains en territoire mexicain. C’est un message envoye a l’administration democrate de Joe Biden : au Mexique, ce sont les Mexicains qui font la loi.

A Cuba, l’espoir d’une fin des sanctions

Un autre voisin observe avec beaucoup d’interet l’arrivee de Joe Biden a la Maison Blanche : l’ile de Cuba. Les Cubains s’attendent evidemment a un changement de ton dans les relations bilaterales et rappellent que la politique adoptee par Donald Trump a ete un echec. Plus de 200 sanctions sont tombees contre Cuba en quatre ans de mandat Trump, a rappele le gouvernement cubain ces derniers jours, une politique “meprisable et inhumaine” selon le president Miguel Diaz-Canel, qui parle d’un “heritage honteux”. A demi-mot, le gouvernement cubain fait comprendre qu’il espere un retour de la politique de rapprochement initiee par Barack Obama et que Donald Trump a cherche, durant tout son mandat, a defaire, portant un coup dur a l’economie de l’ile.

L’economie cubaine est en grande difficulte, en partie a cause des sanctions imposees par Donald Trump. Les Cubains esperent donc bien evidemment que Joe Biden revienne rapidement dessus. L’economie cubaine a ete litteralement asphyxiee par ces sanctions, avec l’interdiction des voyages sur l’ile pour de nombreux americains, la suspension des vols charters et commerciaux directs sauf vers la capitale, l’interdiction d’escale a Cuba pour les croisieres americaines et les nombreuses barrieres visant a empecher l’envoie de fonds des familles a l’etranger. Un retour en arriere sur ces mesures envers la Havane fait partie des premieres decisions que Joe Biden pourraient adopter. Le nouveau president en avait fait une promesse de campagne et c’est bien ce qu’esperent les Cubains. Tout comme ils esperent etre rapidement retires de la liste americaine des Etats qui parrainent le terrorisme et a laquelle Donald Trump les a ajoutes la semaine derniere, juste avant son depart.

A Cuba, l’arrivee de Joe Biden est tout de meme prise avec une certaine distance et sans grand enthousiasme. La Havane se dit prete a dialoguer et les recentes reformes economiques prouvent une disposition au changement. Le president Diaz-Canel a tout de meme rappele que “Cuba ne cedera ni ne negociera sur la Revolution ou le socialisme“. Et ce sera sans aucun doute a Joe Biden de faire le premier pas pour retablir des relations pacifiees.

Le Canada attend un allie plus sur et previsible

Le grand voisin canadien regarde egalement avec une attention toute particuliere l’arrivee du nouveau president americain. En ce jour d’investiture, nul besoin de trop tendre l’oreille pour entendre le “ouf” de soulagement pousse par Ottawa. Il faut dire que pendant quatre ans, l’atmosphere a ete tumultueuse entre Donald Trump et le premier ministre canadien, a coups de tweets “trumpiens” degaines contre Justin Trudeau. La relation historiquement symbiotique entre les allies en a ete abimee, meme si c’est sous l’administration Trump qu’un nouveau traite de libre-echange a ete conclu, et meme si les economies des deux pays restent etroitement imbriquees.

La philosophie politique de Joe Biden, qui a promis entre autre de reintegrer l’Accord de Paris sur le climat, est plus en accord avec le multilateralisme defendu par Justin Trudeau. La vice-presidente Kamala Harris a passe quelques annees de sa jeunesse ici a Montreal, ca compte. Le Canada espere retrouver un allie plus sur et previsible. Mais ce n’est pas non plus un ciel sans nuages, car tout juste investi, Joe Biden pourrait annuler l’expansion de l’oleoduc Keystone XL, un pipe-line prevu pour transporter le petrole bitumineux albertain vers les raffineries americaines du Golfe du Mexique. “Un desastre pour notre economie” a tonne le premier ministre de l’Alberta. Justin Trudeau a hier reitere son soutien au projet, esperant encore faire changer d’avis Joe Biden. Mais ce pipe-line pourrait bien etre le premier “irritant ” de la nouvelle relation Ottawa-Washington.