Ce que l’on sait des accusations de harcelement portees contre le depute Benoit Simian par son epouse

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Benoit Simian va-t-il etre contraint de s’expliquer sur les accusations portees contre lui par son epouse ? Depuis plusieurs mois, le depute de Gironde, sous le coup d’une enquete pour “harcelement moral par conjoint”, echappe a la garde a vue grace a son immunite parlementaire, que l’Assemblee nationale a refuse de lever en decembre. Apres la parution d’un article du Monde decrivant avec force details les agissements du depute, la presidence de l’Assemblee nationale s’est dite prete, jeudi 21 janvier, a reexaminer la question. Voici ce que l’on sait de cette affaire.

Un divorce conflictuel

L’affaire, revelee en septembre par Mediapart, “s’inscrit, au vu des elements de l’enquete, dans le cadre d’une separation houleuse entre les epoux”, indiquait a l’epoque le parquet de Bordeaux. Benoit Simian et son epouse Soraya, tous deux anciens militants du Parti socialiste en Gironde, se sont maries en 2016 et sont parents d’une fille aujourd’hui agee de 3 ans.

Apres avoir quitte le PS pour soutenir Emmanuel Macron a l’election presidentielle, Benoit Simian, jusqu’alors maire de Ludon-Medoc et age de 34 ans, est elu depute de Gironde sous l’etiquette LREM (groupe qu’il quitte en octobre 2020 pour rejoindre Liberte et territoires).

Son ascension politique semble bien lancee. En revanche, le couple bat de l’aile et les relations s’enveniment. Au printemps 2020, rapporte Le Monde, le depute demande le divorce et quitte leur maison de Ludon-Medoc avec l’enfant. Un mois plus tard, un juge aux affaires familiales accorde la garde a Soraya Simian, ainsi que la jouissance de la propriete.

“Une forme de harcelement psychologique”

Malgre la decision de justice, Benoit Simian continue a se rendre regulierement dans la propriete, ou au moins dans une de ses dependances, un studio separe dont il avait fait son bureau parlementaire, selon Mediapart. Fin juillet, alors que Soraya Simian avait tente de condamner la porte permettant d’acceder au reste de la propriete, son mari aurait defonce une chatiere et penetre dans le jardin pour aller se baigner, habille, dans la piscine. “Je me suis cachee chez moi, j’etais terrifiee”, a raconte l’epouse au site d’information.

“Il a tague la boite aux lettres. Il volait les poubelles (…) Il nous ecoutait, il nous observait. Il etait la tout le temps, du matin au soir”, confie-t-elle egalement a RTL. Cinq jours apres l’episode de la piscine, corrobore par des images de videosurveillance, le juge aux affaires familiales rend une nouvelle decision interdisant formellement au depute de paraitre au domicile conjugal, considerant que Soraya Simian est “vraisemblablement victime d’une forme de harcelement psychologique de la part de son epoux”.

Le Monde rapporte aussi cette scene lors de laquelle Soraya aurait surpris son mari, debut septembre, urinant sur la cloture de la maison. “Je venais de faire quatre heures de route, c’est normal de se soulager”, s’est-il justifie aupres du journal.

Depuis le mois de septembre, comme 1 200 femmes menacees par leur compagnon ou leur ex, Soraya Simian a ete equipee d’un telephone grave danger permettant d’alerter immediatement un service d’assistance. De son cote, Benoit Simian dit etre victime d’une machination. “Comme de nombreux Francais, j’ai demande le divorce. La strategie de mon ex-epouse est d’en faire une affaire politique”, ecrivait-il dans un communique diffuse notamment sur Facebook.

Une attitude fuyante face aux enqueteurs

Les plaintes croisees entre les deux epoux (lui a porte plainte pour violences volontaires, elle pour harcelement moral) amenent les gendarmes, saisis de l’enquete, a vouloir interroger Benoit Simian. En tant que depute, celui-ci jouit cependant d’une immunite parlementaire qui empeche toute mesure coercitive a son encontre.

Toutefois, rien n’empeche les gendarmes de le convoquer en audition libre. Debut aout, une premiere audition tourne court, car le depute s’y presente avec sa fille en bas age, empechant tout interrogatoire, indique Le Monde.

Un mois plus tard, c’est lui qui se rend de son propre chef a la gendarmerie, pour porter plainte contre son epouse qui aurait refuse de lui presenter l’enfant. Une occasion en or pour les enqueteurs, mais apres quatre heures d’une audition inachevee, le depute pretexte un diner pour s’eclipser, et refuse de poursuivre le lendemain.

La demande de levee de l’immunite parlementaire refusee

Face a l’attitude du depute, le parquet de Bordeaux s’impatiente, et reclame en septembre la levee de l’immunite parlementaire du depute. Dans sa demande adressee a l’Assemblee nationale, le ministere public precise qu’une mesure de garde a vue est le “seul moyen desormais” mis a sa disposition “pour le contraindre a venir s’expliquer et fixer les limites de ses agissements”.

Saisi le 9 decembre, le bureau de l’Assemblee, instance composee de deputes de tous les groupes parlementaires, refuse pourtant de lever l’immunite de Benoit Simian, arguant qu’il “ne s’est jamais derobe a la justice mais a, au contraire, toujours defere aux convocations a des auditions libres que lui ont adressees les services de gendarmerie ; qu’il s’est engage a se tenir a l’entiere disposition de la justice et a deferer a des convocations a de nouvelles auditions libres autant de temps que necessaire”. Ainsi, la garde a vue envisagee par le parquet “ne parait pas suffisamment etayee pour etre consideree comme necessaire”. Une decision prise a l’unanimite, moins deux abstentions.

Dans une interview le 11 decembre a Liberation, la deputee de La France insoumise Clementine Autain, membre du bureau, a deplore les conditions dans lesquelles ce vote avait ete organise. “Le point a l’ordre du jour concerne ne stipulait pas clairement qu’il s’agissait d’une decision concernant une levee d’immunite. (…) Il y avait une note de bas de page qui expliquait que nous pouvions consulter sur place un dossier a 10h30 alors que la reunion demarrait a 11 heures. L’ordre du jour avait l’air banal et je n’ai donc pas consulte le dossier. La reunion a ete tres courte. On a vraiment ete mis devant le fait accompli.”

Vers une nouvelle demande de levee de son immunite ?

Apres l’article du Monde jetant une lumiere crue sur les agissements imputes a l’elu, la presidence du Palais Bourbon s’est dite prete a reexaminer la levee d’immunite parlementaire, si le parquet en fait la demande. Contacte par franceinfo, le parquet de Bordeaux a toutefois indique ne pas envisager “en l’etat” de formuler une nouvelle demande. Explication : un mois et demi plus tard, le parquet n’a, a ce jour, “pas ete destinataire de la decision du bureau de l’Assemblee nationale” et le dossier ne comporte “pas d’element nouveau” depuis la premiere demande.