Juan Pablo Escobar, fils du chef du cartel de Medellín : “J’ai décidé de demander pardon pour ses crimes”

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Juan Pablo Escobar à Cannes (Alpes-Maritimes) le 16 octobre 2017
Juan Pablo Escobar à Cannes (Alpes-Maritimes) le 16 octobre 2017 (YANN COATSALIOU / AFP)

Architecte, conférencier, écrivain et farouche partisan de la politique antidrogue, Juan Pablo Escobar publie en 2017 Pablo Escobar, mon père (Hugo Doc) qui rencontre un énorme succès dans le monde entier. Aujourd’hui, il revient avec un nouveau livre : Ce que mon père ne m’a jamais dit (Hugo Doc).

Elodie Suigo : Vous signez Ce que mon père ne m’a jamais dit, un ouvrage dans lequel vous racontez des éléments très délicats jamais racontés. Vous avez même mené une enquête aux quatre coins de la Colombie. Cette histoire, vous l’écrivez pour qu’elle ne se reproduise plus jamais ?

Juan Pablo Escobar : L’idée, c’est justement celle de créer une prise de conscience chez nos lecteurs, chez les jeunes, pour qu’ils ne pensent pas que c’est une histoire qui doit être répétée.

C’est un vrai combat pour vous de montrer qu’il ne faut absolument pas suivre ce chemin-là?

C’est très difficile lorsque les grands médias, les plateformes de streaming comme Netflix construisent à travers des personnages comme celui de mon père, des espèces de super-héros pour les jeunes. Et donc je suis un peu en situation de désavantage parce que j’essaie de communiquer cela mais Netflix dans le même temps, s’adresse à des millions de personnes avec un message exactement opposé au mien.

Concernant votre enfance, on a eu l’impression que vous viviez dans l’opulence mais vous n’avez jamais eu de liberté. Il y a toujours eu cette peur, le regard apeuré de votre maman aussi, les déménagements et puis ce papa qui vous a terriblement manqué.

Je pense que mon enfance se divise en deux étapes. Jusqu’à l’âge de sept ans, une vie à peu près normale en apparence et puis à partir de la mort du ministre Justice Rodrigo Lara Bonilla, la vie de la Colombie et de ma famille ont changé pour toujours et c’est là qu’interviennent la peur, les persécutions, le terrorisme.

On sent que vous aimez énormément votre père. Qu’est-ce que vous gardez de lui ?

Je pense que mon père m’a élevé avec des valeurs humaines que lui-même n’appliquait pas en-dehors de la maison et je ressens comme si lui nous avait montré à tous le chemin qu’il ne faut pas emprunter. Mais je dois également respecter le personnage du père parce que j’ai été élevé dans une famille croyante, qui croyait aux valeurs religieuses mais ça ne m’a pas aveuglé vis-à-vis des crimes de mon père. C’est pour cela que j’ai décidé de demander pardon pour ses crimes.

Le livre débute sur un échange téléphonique entre le fils de Barry Seal alias McKenzie, pilote de votre père, pilote de la CIA et informateur de la DEA. C’est lui qui a fourni les photos compromettantes qui mettent en avant que Pablo Escobar a touché à la drogue. Votre père a réussi à commanditer son assassinat et c’est Aron, son fils qui vous contacte pour vous dire: ” Voilà, je m’excuse parce que mon père a dénoncé le tien mais uniquement parce qu’il voulait sauver sa propre peau“. Comment avez-vous vécu ce rapprochement et surtout cette main tendue ?

Pour moi, ça a été une des principales leçons de pardon et de réconciliation que j’ai eu à vivre jusqu’à aujourd’hui. Parce que c’est la première fois qu’une victime directe de mon père se rapproche de moi pour me dire qu’il comprend pourquoi mon papa a demandé l’assassinat du sien. Mais je pense, moi personnellement, que ces photos montrent surtout autres choses, plus importantes même que le fait que mon père soit narcotrafiquant. Concrètement, l’implication des Etats-Unis dans le trafic d’armes et de drogue pour lutter contre le communisme en Amérique centrale.

C’est très difficile de construire sa vie, parce que tout le monde attend et pense que tu vas devenir Pablo Escobar 2.0.

à franceinfo

Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que vous avez choisi l’architecture ?

Oui, je pense qu’en effet c’est lié. Je me souviens que mes camarades à l’université se moquaient de moi et disaient que moi, j’avais une entreprise de construction alors que mon père avait eu une entreprise de destruction.

Vous dites que vous croyez en la Colombie. Vous êtes optimiste pour l’avenir ?

Je suis très optimiste parce que je vois bien que la jeunesse ne vit pas dans une forme de rancune ou de rancœur vis-à-vis du passé. Nous sommes en train de construire ensemble un avenir, oui. Et c’est un peu aussi ce que montre le livre parce que dans ce livre, je m’entretiens avec des fils de guérilleros, des paramilitaires, de narcos même des fils de membres des services secrets et tous misent sur la paix.

Et votre mère dans tout ça ?

Ma maman nous a élevés dans une ambiance d’amour, d’affection en essayant de nous protéger contre cette violence, aussi bien celle de mon père mais aussi celle que nous subissions du fait de cette situation. Elle a été pour moi une grande maîtresse du pardon.

Elle m’a appris que tous les êtres humains méritent une seconde chance.

à franceinfo

Si vous deviez dresser un portrait de votre père, en tant que fils que diriez-vous ?

Je pense que c’est un homme qui a défié la société, qui a défié la loi comme jamais personne ne l’avait fait auparavant.