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C’est la premiere fois que l’Academie des sciences joue le role de lanceuse d’alerte sur la biodiversite. Elle etait longtemps restee prudente sur le rechauffement climatique, trop longtemps sans doute. Mais aujourd’hui, pour ces scientifiques, comme Philippe Grandcolas, directeur de l’Institut de systematique, evolution, biodiversite au CNRS, il y a deja beaucoup d’etudes sur le declin des papillons, des abeilles, coleopteres et de tous les autres insectes. Ils existent depuis au moins 400 millions d’annees sur Terre, ils representent 80% des especes que l’on connait. Leur disparition nous fait courir de tres grands risques. Pourtant, ces scientifiques ne se sentent pas pris au serieux. Compter les papillons, est-ce vraiment ce qu’il y a plus de plus important ou de plus urgent ?
Aujourd’hui, le grand public connait assez bien le role de pollinisateur des fleurs des abeilles mais aussi des bourdons, des papillons pour les vegetaux qui nous donnent 70% de notre alimentation : fruits, legumes, cereales… Et sans les insectes, pas de degradation de la matiere organique. Nos champs seraient recouverts de bouse de vache. Un peu comme ce qu’il s’est passe en Nouvelle-Zelande avec l’arrivee des colons et de leur betail. Le pays a du importer des coleopteres d’Europe parce qu’il etait envahi de mouches. Leurs bousiers locaux n’arrivaient pas a les enfouir dans le sol.
Les insectes jouent aussi un role essentiel pour la filtration des eaux. Sans eux, le Covid-19 ne serait pas le plus gros de nos problemes sanitaires. Les economistes ont d’ailleurs chiffre qu’ils nous rendaient gratuitement des services de plusieurs centaines de milliards d’euros.
On parle plus des guepes, des moustiques, des frelons qui nous envahissent que des moucherons qui ont disparu de nos pare-brise. Et le constat de leur declin fait l’objet de vifs debats entre scientifiques. Pour bien compter les insectes, il faut du temps, prendre les memes et pas des sous-especes, revenir au meme endroit regulierement. Une etude, plutot bien faite, publiee il y a quatre ans dans PLOS one montrait que 75% des insectes volants des reserves naturelles d’Allemagne avaient disparus en 30 ans.
Mais l’an dernier, une meta-analyse faite par des chercheurs allemands et publiee dans Science expliquait qu’au niveau mondial, le constat n’etait pas si alarmant. Les insectes aquatiques, eux, se portent meme de mieux en mieux. Sauf qu’aujourd’hui plusieurs scientifiques francaises contestent cette analyse et sa methode. Leurs collegues ont compte des insectes la ou on avait cree des mares, donc forcement ils en trouvent plus que les annees precedentes. Les scientifiques allemands leur ont repondu qu’ils n’avaient qu’a refaire leur meta-analyse…
La science a souvent du mal avec le consensus, il faut dire qu’elle avance avec le doute. Mais cette recherche de consensus est recherche par l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), la plateforme internationale d’experts sur la biodiversite, comme le Giec dans ses rapports sur le climat. Sauf qu’il y a deux ans, quand le resume du rapport sur la biodiversite a ete vote mot a mot, les auteurs et les delegues des pays membres de cette plateforme, dont la Chine n’ont pas reussi a se mettre d’accord sur le declin des insectes. L’Academie des sciences estime qu’il n’y pas besoin d’attendre encore un consensus pour eviter leur declin. Dans son avis, elle vise directement la lutte contre la deforestation, l’artificialisation des sols et l’usages de pesticides. En particulier, les neonicotinoides qui vont faire leur retour dans certains champs francais de betteraves le mois prochain.