Ce que l’on sait de la disparition volontaire de Diary Sow, l’étudiante sénégalaise qui a fini par donner signe de vie

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Sa disparition, signalée début janvier, avait suscité l’inquiétude de ses proches et des autorités. Trois semaines plus tard, Diary Sow, cette étudiante sénégalaise de 20 ans, scolarisée au lycée Louis-le-Grand à Paris, a fini par donner des nouvelles rassurantes. Les enquêteurs de la police judiciaire de Paris, saisis de ce dossier de disparition inquiétante, ont pu la joindre par téléphone. “Elle est libre et va bien”, a indiqué une source policière vendredi 22 janvier à France Télévisions. Grâce à ce contact, les policiers savent désormais où se trouve la jeune femme, et ont la certitude qu’elle n’est pas en danger. L’enquête ouverte en France pourrait donc être refermée par le parquet de Paris.

Quelques heures plus tôt, Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Eau et de l’Assainissement du Sénégal, qui est également son parrain, avait relayé sur Twitter, avec son accord, les extraits d’une lettre que lui a adressée Diary Sow. Un texte qui confirme la thèse de la disparition volontaire, mais ne lève pas le voile sur les raisons exactes de cette fugue.

Dans ce texte tourmenté, que nous reproduisons ci-dessous, Diary Sow explique à son “tonton” être partie “librement”, et décrit sa disparition comme “une sorte de répit salutaire dans [s]a vie”, une “petite pause, pour retrouver [s]es esprits”.

“Bonjour tonton. Je tiens à préciser que je t’écris aussi librement que je suis partie. J’ai laissé assez d’indices derrière moi pour qu’on sache que je partais de mon plein gré. Je ne me cache pas. Je ne fuis pas. Considère cela comme une sorte de répit salutaire dans ma vie. Si je ne m’étais pas manifestée jusqu’à présent, c’est pour la simple raison que j’étais dans l’impossibilité de le faire.

Tonton, je comprends que vous soyez tous surpris. Je comprendrais aussi que vous soyez déçus. La jeune fille que tu connais n’aurait pour rien au monde raté un jour d’école. La pression ? Non. La pression n’a jamais été un frein pour moi. Au contraire. Je ne suis victime d’aucune sorte de pression de la part de qui que ce soit, dans mon entourage.

Je n’ai pas disjoncté à cause du confinement ou de la prépa. Ma vie était telle que je l’avais voulue, telle qu’il fallait qu’elle soit. Les doutes ? Je n’ai jamais douté de mes capacités ni de ma force. Mon départ n’est pas un aveu de faiblesse.

Tonton, sache néanmoins que s’il m’avait été possible de faire autrement, je n’aurais pas agi ainsi. Je n’aurais jamais cru que mon nom allait alimenter autant de débats, qu’autant de gens allaient s’inquiéter. Et jusqu’au dernier moment, je ne réalisais toujours pas que j’étais effectivement en train de passer à l’acte. 

“Je n’en ai parlé à personne. Par pudeur ? De peur d’être incomprise, mal comprise ? Il ne s’agit ni de surmenage, ni de folie, ni de désir de liberté.”

dans une lettre à son parrain

Je t’en prie, lis-moi avec le cœur, il y a certaines choses que la raison ne peut entendre. Qui aurait d’ailleurs accordé le moindre crédit à ce désir irrépressible, irraisonné et si profondément irrationnel qui m’animait ? Ma mère ? J’avais trop peur de ce qu’elle allait penser. Toi Tonton ? Tu aurais certainement cherché à me dissuader. S’il m’était possible de te demander cette faveur et que j’étais assurée qu’elle serait accueillie favorablement, m’aurais-tu permis cette petite pause, pour retrouver mes esprits ? Maintes fois, j’ai failli changer d’avis.

La veille de mon départ encore, j’hésitais. En discutant avec toi de l’avenir qui m’attendait, que je voulais, je réalisais à quel point mon projet était insensé. Fugue ? Un mot bien péjoratif pour une quête si profonde (…) Tonton, je te prierais de rassurer les gens qui me cherchent. Je vais bien, je suis en sécurité. Sache que je suis terriblement, profondément désolée.”

Depuis plusieurs jours, l’hypothèse d’une disparition volontaire, accréditée par plusieurs témoignages, tenait la corde. “Diary est vivante, elle va bien. Il faut la laisser tranquille, qu’on arrête de parler d’elle. Une chose est sûre, elle s’expliquera un jour ou l’autre, demain, dans un mois ou dans un an”, confiait mardi, sous couvert d’anonymat, l’un de ses proches au Parisien.

Diary Sow avait passé les vacances de fin d’année à Toulouse chez sa meilleure amie, étudiante en médecine. Elle ne s’était pas présentée le 4 janvier à la reprise des cours au lycée Louis-le-Grand, une attitude qui ne lui ressemblait pas, selon ses proches. L’enquête a par la suite établi qu’avant de disparaître, elle était repassée dans sa chambre étudiante à Paris, d’où elle avait emporté des affaires personnelles.

Reste à savoir pour quelles raisons cette brillante élève en classe prépa de physique-chimie dans l’un des établissements les plus prestigieux de la capitale a choisi de disparaître sans prévenir personne. Le poids d’une notoriété grandissante dans son pays peut-il expliquer ce choix ? Diary Sow, lauréate d’un bac scientifique mention très bien, avait été désignée en 2018 et 2019 “meilleure élève du Sénégal”, un titre remis par le président sénégalais Macky Sall lui-même. Certains de ses compatriotes l’auraient bien vue, dans un avenir plus ou moins proche, jouer un rôle important pour son pays.

Un autre élément a pu troubler ceux qui se sont intéressés au dossier : les similitudes entre la fuite de Diary Sow et l’histoire racontée dans son roman Sous le visage d’un ange, paru en janvier 2020 (L’Harmattan). L’héroïne du livre, une jeune femme en quête de bonheur prénommée Allyn, disparaît à deux reprises. “Je veux fouler aux pieds tous les interdits, sortir des sentiers battus, refuser toutes ces règles convenues pour que rien ne bouge jamais. Je veux vivre sans contrainte aucune. Après n’avoir connu que le côté regrettable de la vie, l’heure est venue pour moi de jouir. A mon tour. Quels que soient les sacrifices que cela implique”, explique ce personnage de fiction que d’aucuns raccrochent aujourd’hui à des événements bien réels.

Lors d’une séance de dédicaces organisée en septembre, Diary Sow expliquait ainsi sa démarche littéraire : “C’est très important pour moi de raconter les gens tels qu’ils sont, de ne pas se limiter à la surface. Je me dis qu’il n’y a pas d’ange, pas de démon. Tout le monde a des zones d’ombre, tout le monde a un masque qu’il porte selon les circonstances.” 

Après avoir reçu sa lettre, le parrain de Diary Sow a pris contact avec elle, et a reproduit des extraits de leurs échanges sur Twitter. “Contrairement à ce que les gens semblent penser, aux paroles qu’on me prête, je ne renonce pas à ma vie d’avant, lui confie-t-elle. Ma famille mérite de savoir, en attendant que je trouve en moi le courage et la force de reprendre contact avec elle. Ceux qui cherchent une explication rationnelle à mon acte seront déçus, puisqu’il n’en a aucune.”