Site icon SalutFR

Quand les “brouteurs” usurpent l’identité de militaires français pour des arnaques sur les réseaux sociaux

Les photos le montrent : Marin Burcea a un physique plutôt avantageux. Et bien qu’il ait quitté la Légion en 2018, au bout de cinq ans de contrat, des photos de lui en uniforme – photos volées en 2017 – circulent toujours. Très largement. Son ancienne unité a fait les comptes : depuis septembre 2020, différentes images de lui ont servi à créer 4 900 faux profils de militaires français, afin d’extorquer de l’argent, très majoritairement à des femmes contactées sur les réseaux sociaux. 

“2 000 faux profils sur Instagram, 300 sur Facebook, 500 sur TikTok, d’autres sur LinkedIn ou les sites de rencontres. Ces photos représentent 90% des arnaques aux faux profils qui remontent jusqu’à nous.”

à franceinfo

Ce sergent-chef est donc devenu, à son corps défendant, le paravent d’escrocs ivoiriens. Après être entrés en contact avec une potentielle victime, souvent après avoir noué une relation amoureuse virtuelle, ces “brouteurs”, comme on les surnomme (arnaqueurs opérant sur internet), commencent à réclamer de l’argent. Carolina, une jeune Franco-Grecque qui vit à Athènes, a ainsi, au fil des mois, envoyé près de 5 000 euros à celui qu’elle croyait être un militaire dans la difficulté. “Il m’a demandé de l’argent pour que son officier supérieur le renvoie à Paris après 18 mois passés au Mali, raconte-t-elle. Ou pour manger au restaurant parce qu’il me disait que la nourriture était mauvaise. Ou pour payer son hospitalisation après une blessure par balles.”

Carolina a bien quelques soupçons, refuse certaines demandes, et exige de son correspondant une conversation par téléphone. Le soit-disant militaire accepte, avant de demander à la jeune femme de lui envoyer 700 euros, afin qu’il puisse “payer l’amende infligée par son supérieur pour avoir utilisé un téléphone”. Elle refuse une nouvelle fois, puis contacte franceinfo le 20 janvier 2021, après la diffusion d’un reportage sur l’opération Barkhane. Elle apprend alors qu’un soldat en opération extérieure reste 4 mois sur le terrain, pas 18 comme le prétend celui qu’elle considère désormais comme un “intime”, que les militaires engagés dans Barkhane ne vont pas au restaurant, et donc n’ont pas besoin d’argent pour cela, et qu’une blessure par balles est toujours traitée par le Service de Santé des Armées sur place avant une évacuation vers un hôpital militaire, mais que jamais il ne serait soigné dans le civil. 

“L’uniforme de l’armée française m’a inspiré confiance. Mais quand j’ai compris et ouvert les yeux, je me suis sentie blessée, imbécile.”

à franceinfo

A la Légion étrangère, le capitaine Cédric est contacté 4 à 5 fois par semaine par des victimes de ce faux profil : “Notre image en prend un coup, admet-il, mais quand nous réussissons, en alertant les sites comme Facebook ou Twitter, à faire fermer un profil, deux ou trois autres sont créés dans la foulée. Et nous n’arrivons pas à faire effacer de façon définitive les photos de cet ancien légionnaire, qui sont régulièrement utilisées depuis 2018.” Selon l’officier, en Côte d’Ivoire, où remontent quasiment toutes les pistes, des cybercafés entiers sont dédiés à ces escroqueries.

“Si un militaire rencontré sur les réseaux sociaux vous réclame de l’argent, par exemple 2 400 euros pour payer les poches de sang nécessaires à des soins, c’est une arnaque, prévient le capitaine Cédric. Plus largement, si un légionnaire ou tout autre soldat vous réclame de l’argent depuis le Mali ou un autre théâtre d’opération, c’est de toutes façons une arnaque.”

Exit mobile version