En Afrique, la crise économique a davantage circulé que le Covid-19

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Le nouvel ouvrage de l’Agence française de développement consacré à “l’économie africaine en 2021”, paru jeudi, dresse, entre autres, un tour d’horizon du lourd tribut économique payé par les pays africains au Covid-19. Et ne s’arrête pas à des généralités sur le continent dans son ensemble.

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C’est l’une des nombreuses injustices de la pandémie de Covid-19 : l’Afrique, relativement épargnée par le Sars-CoV-2 comparé aux autres continents en 2020, n’en paie pas moins un prix très fort sur le plan économique. Un constat détaillé dans l’ouvrage “L’économie africaine en 2021”, publié jeudi 21  janvier par l’Agence française de développement (AFD).

Le continent ne comptabilisait, en effet, que 4,2 % de toutes les contaminations dans le monde en octobre 2020, alors même qu’il abrite 17 % de la population mondiale, soulignent les auteurs de cette étude. Les causes de cette résilience sont connues. D’un côté, l’Afrique a une population plus jeune et donc moins à risque, et une concentration urbaine moins importante qu’en Europe, par exemple, limitant la capacité du virus de se propager rapidement. De l’autre, les pays africains “ont connu leur lot d’épidémies et ont donc un énorme savoir de terrain” qui leur a permis de réagir rapidement à l’apparition du Covid-19, expliquait déjà en février 2020 à France 24 Mathias Altmann, épidémiologiste à l’université de Bordeaux.

Du jamais-vu

Des avantages pour faire face à la pandémie qui n’ont pas empêché la violence de la crise économique. “Aucun des chocs enregistrés ces trente dernières années – ni la crise financière de 2008, ni les Printemps arabes en 2011 – n’avait eu un tel impact sur l’activité”, souligne Yasmine Osman, macroéconomiste au sein du département Afrique de l’AFD. Le PIB sur le continent africain a ainsi reculé pour la première fois en 30 ans en 2020 et cette récession a touché 40 des 54 pays africains. “Du jamais-vu”, notent les auteurs du livre.

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C’est, en premier lieu, la conséquence de la dépendance encore très forte d’une partie des grandes économies africaines aux exportations de ressources, tels que le pétrole ou les minerais. La crise mondiale a entraîné un effondrement du cours et de la demande de ces matières premières, alors même que “leur exportations représentent plus d’un quart des exportations totales dans 25 pays constituant 55 % du PIB africain total”, note Yasmine Osman. 

La fermeture des frontières a fait que ces États ne pouvaient pas non plus compter sur les touristes pour se refaire une santé économique. Enfin, la plupart de ces nations n’ont pas les moyens de déployer des plans de soutien à l’économie ou de relance d’une ampleur comparable à ceux mis en place en Occident pour limiter les effets de la crise.

En clair, le virus de la récession a bien mieux circulé sur le continent africain que celui du Sars-CoV-2. Mais pas de la même manière dans tous les pays. C’est d’ailleurs l’une des forces de l’ouvrage de l’AFD, qui entre dans le détail des situations régionales et nationales. On y apprend, ainsi, que l’Égypte est l’une des économies du continent qui a le mieux résisté malgré l’effondrement du tourisme. Le pays se paie même le luxe d’être l’un des rares à avoir enregistré une croissance positive en 2020 (+3,5 %), grâce à “la solidité de son marché intérieur et à la réponse forte des autorités sur le plan budgétaire et monétaire”, notre l’étude de l’AFD.

Disparités entre les pays

Il n’en va pas de même pour les deux autres principales économies africaines, le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui ont toutes deux subi de plein fouet la crise. La dépendance aux revenus pétroliers a coûté très cher au premier, tandis que la seconde a été fortement touchée par l’épidémie et a dû mettre en place très tôt et pendant très longtemps des mesures de confinement très douloureuses pour l’activité économique.

La crise du Covid-19 pourrait ainsi déboucher sur un changement des rapports de force économiques sur le continent. Des régions comme l’Afrique de l’Est, moins dépendantes des exportations de matières premières, pourraient ainsi mieux tirer leur épingle du jeu que l’Afrique centrale, où des pays comme la République du Congo, le Gabon ou la Guinée équatoriale sont particulièrement exposés à la chute des cours du pétrole.

“Ce genre de crise peut toujours être l’occasion de rebattre les cartes”, confirme Yasmine Osman, de l’AFD. Mais elle précise qu’il est encore un peu tôt pour refaçonner le paysage économique africain. D’abord parce que l’Afrique, comme le reste du monde, subit la deuxième vague du Covid-19 dont on ne mesure pas encore l’ampleur de l’impact économique. Ensuite, parce qu’on “ne sait pas à quel point les dégâts économiques ont affecté en profondeur le tissu industriel de chaque pays”, précise-t-elle. Les effets à plus long terme de cette crise sur le nombre de faillites de petites et moyennes entreprises restent encore à déterminer. Et des pays qui, pour l’instant, semblent mieux résister pourraient, au final, payer un prix bien plus élevé.

Au-delà de ces inconnues, l’ouvrage se demande aussi quelles leçons économiques le continent va tirer de cette crise. Est-ce que les pays vont en profiter pour tenter de diversifier davantage leurs économies afin de moins dépendre de la demande mondiale ? La tentation d’un certain protectionnisme économique qui agite certaines grandes puissances mondiales en Europe et en Amérique du Nord pourrait pousser les États africains à accélérer l’intégration régionale. C’est tout l’enjeu de la Zone de libre-échange continentale (Zlec) qui doit voir le jour en 2021.