Ethiopie : inquiétude pour les milliers de réfugiés érythréens ayant fui la dictature du président Afeworki

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Alors que la situation humanitaire au Tigré reste alarmante, les Nations unies s’inquiètent du sort des dizaines de milliers de réfugiés érythréens qui ont fui ces dernières années l’Erythrée, frontalière du Tigré, et le régime autocratique du président Issaias Afeworki. Malgré les annonces d’Addis Abeba sur la fin du conflit dans cette région du Nord, des images satellites, des déclarations de responsables militaires et civils en poste au Tigré et de rares témoignages d’habitants suggèrent que le conflit continue dans l’ombre. L’ONU s’inquiète particulièrement de possibles exactions dans deux camps abritant plus de 30 000 réfugiés érythréens, toujours inaccessibles. 

C’est au moment où les habitants du Tigré entamaient les récoltes, début novembre 2020, que l’armée fédérale éthiopienne a lancé une offensive contre les forces de l’ancien parti au pouvoir local, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), accusées d’insurrection. Aujourd’hui, les Ethiopiens du Nord meurtri par la guerre civile meurent du manque de services de santé, souffrent de pénuries de nourriture et d’eau et restent “terrifiés”, selon les quelques agences humanitaires qui peuvent accéder aux zones les plus reculées du Tigré. 

Humanitaires et diplomates se sont alarmés d’informations faisant état du meurtre de réfugiés ou d’enlèvements et de retours forcés en Erythrée, qui auraient été perpétrés par les forces érythréennes venues épauler Addis Abeba contre le TPLF. Cinq travailleurs humanitaires ont été tués dans un de ces camps, appelé Hitsats. “Des informations faisant état de nouvelles incursions militaires ces dix derniers jours sont cohérentes avec des images satellites en libre accès qui montrent de nouveaux foyers d’incendies et des signes de destructions récentes dans les deux camps”, a déclaré le 21 janvier le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés Filippo Grandi. “Ce sont des indications concrètes de violations majeures des lois internationales.”

L’Ethiopie a vigoureusement démenti l’implication de soldats érythréens dans son opération militaire, en contradiction avec les témoignages d’habitants du Tigré. Cette semaine, la Commission éthiopienne des droits de l’Homme a rapporté que la ville d’Humera, dans l’ouest du Tigré, avait fait l’objet de nombreux pillages, “y compris par des soldats érythréens”.

Fin décembre, un haut-gradé éthiopien a confirmé que l’armée érythréenne était entrée au Tigré, tout en affirmant que ces troupes n’étaient pas les bienvenues. Pour Awet Woldemichael, spécialiste des questions de sécurité dans la Corne de l’Afrique à l’université canadienne Queen’s, l’explication semble douteuse.

“L’implication de l’Erythrée dans la guerre au Tigré n’est pas considérée comme une violation de l’Ethiopie et la communauté internationale ne s’en émeut pas, précisément parce que cela s’est fait à l’invitation du gouvernement éthiopien”

à l’AFP

Le régime érythréen d’Asmara est l’ennemi juré du TPLF depuis la guerre meurtrière ayant opposé l’Erythrée et l’Ethiopie entre 1998 et 2000, au temps où le tout-puissant parti tigréen contrôlait tous les leviers du pouvoir à Addis Abeba. Lorsqu’il est arrivé à la tête de l’Etat en 2018, le Premier ministre ethiopien Abiy Ahmed a considéré le TPLF comme un obstacle à son programme de réformes et s’est appliqué à marginaliser l’ancienne élite tigréenne.

Dans le même temps, il a opéré un rapprochement historique avec l’Erythrée et son président Issaias Afeworki, ce qui lui a notamment valu le Nobel de la paix 2019.

Les réfugiés érythréens sont également les victimes de la situation humanitaire qui touche la population du Tigré. Jusqu’à présent, “le nombre de personnes qui ont été aidées est très faible par rapport au nombre de personnes qui d’après nos estimations ont besoin d’une aide vitale, c’est-à-dire environ 2,3 millions“, indique à l’AFP Saviano Abreu, porte-parole du Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU (Ocha). Le Centre de coordination d’urgence au Tigré du gouvernement éthiopien évalue à 4,5 millions le nombre d’habitants de la région nécessitant une aide alimentaire et à 2,2 millions le nombre de déplacés.

C’est devenu une réalité quotidienne d’entendre que des gens sont morts des conséquences des combats, de manque de nourriture, d’insuline ou d’autres médicaments de base“, déplore un responsable de l’église catholique de la ville d’Adigrat, dans un courrier daté du 5 janvier et consulté par l’AFP. L’ONU s’inquiète également de l’insécurité qui entrave l’acheminement de l’aide humanitaire.