Un procès historique s’ouvre lundi 25 janvier devant le tribunal judiciaire d’Evry. Tran To Nga, une Franco-Vietnamienne de 78 ans, attaque 14 géants de l’industrie agrochimique, parmi lesquels Bayer-Monsanto, responsables de la production d’un puissant herbicide, “l’agent orange”, qui a été rependu pendant dix ans par l’armée américaine sur le centre et le sud du Vietnam pendant la guerre.
La vielle dame se déplace lentement. Mais derrière cette apparence fragile, cette grand-mère de bientôt 80 ans, qui vit en France depuis 1992, a montré toute sa vie qu’elle avait l’âme d’une d’une combattante. “Au Vietnam, on a un proverbe : ‘Quand l’ennemi souille notre territoire, chacun, et même la femme devient combattant’. Dans ce sens, je suis toujours combattante”, dit-elle. Pendant la guerre du Vietnam, Tran To Nga vit durant des années dans le maquis. Elle dit qu’elle couvre le conflit comme journaliste. Et elle devient dès 1966 l’une des nombreuses victimes présumées des épandages.
Pour détruire les ressources et les caches des combattants vietnamiens, les Américains répandent “l’agent orange”. Cet herbicide continent de la dioxine à haute dose, un produit hautement toxique. Il pollue profondément 20% du centre et du sud du pays d’après le collectif Vietnam dioxine. Il contamine aussi les organismes sur plusieurs générations. Tran To Nga a été touchée directement et indirectement en vivant dans des secteurs contaminés : “On transmet ce poison à nos enfants. Je suis la première génération à avoir des séquelles, mes filles elles aussi sont victimes, et maintenant mes petits-enfants ont aussi ces maladies. Rien que dans ma famille, trois générations ont déjà subi ça.”
Le collectif Vietnam dioxine estime que plus trois millions de personnes ont été contaminés. Les soldats vétérans américains ont été indemnisés par leur gouvernement, mais les civils vietnamiens n’ont jamais reçu le statut de victime. Tran To Nga est la dernière clef pour tenter d’établir le préjudice. Elle a porté plainte en 2014. “C’est un symbole parce qu’elle est elle-même victime, elle est toute seule à porter plainte contre les industriels de l’agrochimie”, souligne le coordinateur du collectif Vietnam dioxine, Kim Vo Dinh.
“Les victimes vietnamiennes de “l’agent orange” n’ont aucune reconnaissance de la justice pour les dommages subis et là il y a une possibilité historique qu’une victime vietnamienne puisse avoir une victoire contre les industriels.”
à franceinfo
Tran To Nga a perdu sa première fille. La deuxième souffre d’une malformation. Et ses petits-enfants ont des problèmes respiratoires. Pendant des années au Vietnam les maladies liées aux épandages étaient cachées par les familles. C’est aussi l’enjeu de cette affaire, rendre visible cette part d’histoire en reconnaissant la nature et l’ampleur des dégâts.