Libye : grace au cessez-le-feu, la production petroliere se redresse spectaculairement, mais la population n’en profite pas

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A la faveur du cessez-le-feu signe en octobre 2020, la production de petrole s’est spectaculairement redressee en Libye, atteignant 1,2 million de barils par jour en decembre. Elle a ainsi ete multipliee par dix en quelques semaines, signe d’un certain retour a la normale. Pour autant, on est encore loin de la production du temps du regime de Mouammar Kadhafi, quand elle depassait le million et demi de barils jour. A l’epoque, l’or noir etait la manne absolue sur laquelle reposait la quasi totalite de l’economie libyenne et la puissance de son chef.

Mais ce redressement reste fragile, menace deja par l’usure du materiel, peu ou pas entretenu apres une decennie de guerre civile. Ainsi, d’un coup, l’exportation a chute de 200 000 barils suite a la fermeture d’un oleoduc victime de fuites majeures.“Ce qu’il s’est passe chez WAHA se produit chaque jour dans d’autres compagnies qui souffrent des coupes budgetaires, precise dans un communique la National Oil Compagny qui regroupe les acteurs du secteur.Toutes risquent de devoir reduire leur production, voire de l’interrompre totalement.”

La raffinerie de Ras Lanouf a repris sa production en juin 2020, apres six mois d'interruption. (- / AFP)

La raffinerie de Ras Lanouf a repris sa production en juin 2020, apres six mois d'interruption. (- / AFP)

La production reste egalement sous la menace de groupes armes qui s’en prennent aux installations petrolieres, exercent du chantage a l’attentat.“C’est un miracle que le secteur petrolier continue de fonctionner malgre des infrastructures vetustes et endommagees par la guerre, la negligence ou les sabotages”, explique a l’AFP Al-Mahdi Omar, un ingenieur petrolier libyen.

Reste enfin que ce redemarrage de l’economie petroliere est avant tout lie a un changement de strategie politique. C’est le marechal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, qui en avait fait un moyen de pression.

Il y a un an, les pro-Haftar ont bloque la production et les exportations sur les champs et terminaux les plus importants du pays dans le but de reclamer une repartition plus equitable des recettes, gerees par Tripoli. L’echec de son offensive militaire contre le pouvoir de Tripoli a modifie ses plans. Mais rien ne dit que dans un proche avenir cette politique jusqu’au-boutiste ne revienne pas au gout du jour.

La salle des negociations sur la paix en Libye, le 9 novembre 2020 a Gammarth, dans la banlieur de Tunis. (FETHI BELAID / AFP)

La salle des negociations sur la paix en Libye, le 9 novembre 2020 a Gammarth, dans la banlieur de Tunis. (FETHI BELAID / AFP)

Le renouveau du petrole libyen est donc totalement lie aux negociations de paix qui se deroulent peniblement sous l’egide de l’ONU. Pas a pas, les deux camps travaillent a retablir une unite nationale. Le 9 novembre 2020, l’emissaire de l’ONU en Libye, Stephanie Williams, annoncait que les protagonistes etaient parvenu a un accord : “Les participants au Forum de dialogue se sont accordes sur l’organisation d’elections nationales le 24 decembre 2021.”

Mais il reste encore beaucoup de temps pour qu’un revirement des uns ou des autres se produise. La question de la presence des forces etrangeres sur le sol libyen est deja une pierre d’achoppement. Aucun camp ne semble vouloir remercier ses soutiens, turcs pour le GNA (Al-Sarraj), russes pour l’ALN (Haftar).

La population libyenne quant a elle profite bien peu de l’embellie petroliere. Si a Tripoli les canons se sont tus, dans la capitale tout comme a Benghazi dans l’Est, la population doit desormais subir une augmentation vertigineuse du prix du pain ! La hausse est d’environ 25% pour un aliment qui reste essentiel.

La menace de revolte est prise tres au serieux, d’autant que les boulangers ont baisse un moment le rideau, face a la hausse du prix de la farine liee a sa penurie sur le marche. Si la Libye a de nouveau du petrole, elle n’a plus de farine.